Ce disque apparaît comme le reflet fidèle de toutes les musiques que Philippe Duchemin apprécie depuis toujours et aime jouer. L’utilisation du pluriel s’impose puisque, si logiquement on trouve sur les onze plages de l’album les noms de Duke Ellington, Jérôme Kern et Oscar Peterson, apparaissent aussi sous une forme bien supérieure à un simple “clin d’oeil” ceux de Chopin, Liszt et Tchaïkovski. Enregistré en octobre 2010, Philippe Duchemin est ici entouré des frères (jumeaux) Christophe (basse) et Philippe (batterie) Le Van, deux musiciens marseillais à découvrir et qui s’avèrent de parfaits accompagnateurs et d’intéressants solistes.
Ouverture avec Massilia (référence à l’ancienne appellation de Marseille dans l’Antiquité) dans une construction mélodique qui n’est pas sans rappeler le Gospel. Suivent Princess tout empreint de mélancolie, Ma sorcière bien aimée (il s’agit bien de la musique de la série TV de 1960 !) pris sur un tempo rapide et qui permet de constater la parfaite cohésion du trio. Armando’s Rhumba sera le seul titre peu convaincant.
Depuis Take Bach enregistré dès 1984, nul n’ignore que le pianiste toulousain a fait des études musicales classiques tout au long de son adolescence et que son attirance pour les grands compositeurs européens du XIXe sciècle demeure toujours présente : pas moins de quatre thème sont directement inspirés des œuvres du répertoire de la période romantique puis adaptés avec des arrangements soignés et allègres. Les “emprunts” sur Campanella for swing (Paganini/Liszt), Ballade en Pologne et Prélude n°4 (Chopin), ainsi que Barcarolle (Tchaïkovski) se fondent avec facilité  et élégance dans des interprétations qui demeurent dans l’idiome du Jazz.
Retour à un plus pur classicisme avec deux standards enchaînés, Caravan/Ol’ Man River, et une nouvelle occasion d’aprécier l’étendue du jeu du pianiste et la qualité de la stimulante rythmique.
Pour finir, le choix s’est porté sur Peterson, source permanente d’inspiration de Duchemin. Cakewalk (année 80) est très swingué et moins syncopé que la danse ne l’était en son temps. Hymn to Freedom, la composition la plus connue du pianiste canadien, date des années 60 et demeure une référence au-delà de la musique. La présente version, prise sur un tempo parfait, garde toute sa sensibilité d’origine. L’exposition du thème est aussi faite par le pianiste, en solo.
Le dixième opus de Philippe Duchemin mérite de retenir l’attention pour sa riche diversité. Michel Lalanne